Les Échos de Bougainville

Journal Les Echos, Béatrice Héraud

Partir à la découverte du monde grouillant mais largement inconnu du microbiome marin, c’est l’objectif de la mission Bougainville qui a largué les amarres à Roscoff le 26 septembre. Cette exploration scientifique est inédite par son ampleur ainsi que par la collaboration entre la Marine nationale, Sorbonne Université, des partenaires privés (Naval Group et la fondation Veolia) et le programme Plankton Planet.
Il n’en fallait sans doute pas moins pour explorer le fonctionnement biologique, l’interaction et l’évolution des 10 à 100 milliards d’organismes – virus, bactéries, protistes et animaux – qui vivent dans chaque litre d’eau de mer.

Prélèvements continus et homogènes

« Le plancton joue un rôle majeur dans le fonctionnement de la biosphère. Mais jusqu’à présent, on l’étudie surtout par des mesures biophysiques de l’océan, notamment depuis le ciel, grâce aux satellites. Il nous faut mieux comprendre sa dynamique interne, par des prélèvements continus et homogènes, aux quatre coins du globe. Car tant que l’on ne comprendra pas ces organismes et leurs interactions, on ne pourra pas bien habiter la Terre », assure Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS et co-initiateur de la mission avec l’amiral Christophe Prazuck, directeur de l’Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université.

Il nous faut mieux comprendre la dynamique interne du plancton, par des prélèvements continus et homogènes, aux quatre coins du globe.

Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS
L’ expédition Tara a posé les premières pierres, mais la mission Bougainville lui donne une nouvelle ampleur en prélevant des échantillons de ce microbiome sur des milliers de sites, en profitant des bâtiments de la Marine nationale en patrouille dans les eaux du Pacifique.

Miser sur des étudiants

L’originalité du dispositif est de miser sur des étudiants de la Sorbonne qui, pour la mission, vont acquérir un statut militaire ad hoc inédit, regardé de près par des marines étrangères comme celles du Chili ou du Brésil. D’ici à 2025, dix « volontaires officiers aspirants biodiversité » seront ainsi formés en version accélérée à l’institut de la mer de Villefranche et aux techniques militaires avant d’embarquer, seuls, à bord des bâtiments de la Marine. « Pour les quatre premiers, nous avons eu plus de 60 candidatures. Nous avons joué la carte de la sécurité en choisissant des étudiants formés en biologie marine et océanographie mais l’idée est ensuite d’ouvrir aux autres disciplines », souligne Colomban de Vargas.
La mission va éprouver un protocole particulier, fondé sur des instruments d’échantillonnage frugaux. Beaucoup moins chers que les outils sur le marché, ils doivent être utilisés à terme par le plus grand nombre, du pôle Nord au pôle Sud, sur des cargos comme sur des voiliers, que ce soit par des scientifiques, des pêcheurs, des marins, des habitants des littoraux, des militaires… et ainsi faire passer l’échantillonnage à une échelle mondiale.
De quoi participer à « sortir la science des laboratoires et à retrouver une relation émotionnelle et rationnelle au vivant », deux dimensions essentielles pour mieux connaître et protéger la biodiversité selon Colomban de Vargas. La base de données publique du plancton ainsi créée devrait alimenter des études scientifiques internationales et permettre d’avoir une connaissance planétaire de la biologie marine d’ici à 2030, espère le chercheur.
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